dimanche 22 mars 2015

Arte donne la parole à des femmes qui ont eu recours à l'avortement : une 1ère !


Arte donne la parole à des femmes qui ont eu recours à l'avortement

Arte proposait l'autre soir deux documentaires consacrés à l’avortement. Le second intitulé « Avortement, la loi du silence » était diffusé en toute fin de soirée à 23h35.
Ce documentaire allemand, doublé en français, s’attaque au tabou qui entoure l’avortement et cherche à échapper au « mur de silence » qui entoure les femmes qui ont vécu une IVG. Une initiative qui donne la parole à ces femmes et leur permet d’exprimer ce qu’elles vivent comme un traumatisme. Sans jamais verser dans le voyeurisme, en des termes justes, les images et les récits qui sont proposés touchent et émeuvent. Un projet aussi audacieux, qu’inhabituel.
Trois de ces femmes ont vécu des avortements. Elles racontent, chacune à sa manière, la détresse qui a suivi ces moments. Elles disent la pression de l’entourage qui tacitement pense qu’on ne peut pas donner la vie à 17 ans, que c’est trop tôt. Elles savent : « Je pourrais avoir ‘500’ enfants, celui-là, je ne l’aurais jamais », « mon instinct me disait que ça n’était pas qu’un amas de cellules ». « On m’a dit tu vas gâcher ton avenir. Cette phrase me fait horreur, comment un enfant peut gâcher une vie ? »L’une d’elle évoque la douleur ressentie de retour de salle d’opération : « Je ne comprends pas que personne ne m’ait prévenue de ce que j’allais vivre ». Elles se disent que si elles avaient eu plus de temps, elle auraient pu réfléchir et mûrir leur décision, chercher d'autres alternatives à l'avortement.
Le documentaire mentionne qu’une femme sur 5, voire sur 3 aurait aujourd’hui recours, au moins une fois dans sa vie, à l’IVG. Nombreuses sont celles qui ont besoin d‘aide, car elles peuvent développer des pathologies : non seulement des états dépressifs, mais toutes sortes d’autres troubles.
L’une d’elle raconte qu’une fois l’opération passée, on a poussé son lit au milieu d’une chambre de femmes qui venaient d’accoucher. Victime d’hémorragie, le médecin lui annonce alors qu’elle ne pourra pas avoir d’autre enfant. Ce ne sera pas le cas, elle en a désormais cinq, mais elle s’est lancée dans la prévention dans les écoles : « Ce que je veux, c’est inciter les jeunes filles à gérer intelligemment leur sexualité pour n’être jamais confrontées à cette situation ».
Le quatrième témoignage est celui d’une survivante de l’avortement, elle parlera en dissimulant son visage. Sa mère attendait des jumeaux, un des deux bébés a été avorté. Elle raconte qu’enfant, elle n’arrêtait pas de « rêver », même les yeux ouverts, qu’elle avait une sœur jumelle. L’intensité était telle qu’elle s’est crue folle. A l’adolescence, elle est anorexique. Elle n’apprend la vérité qu’à l’âge de 17 ans. Après la joie de se savoir pleinement saine d’esprit, elle est vite rattrapée par le chagrin et la douleur. Elle avait « tellement mal ». Elle comprend qu’elle a assisté à une lutte à mort et qu’elle a elle-même dû se battre pour survivre. Elle culpabilise de n’avoir pas pu sauver son jumeau et comprend la raison qui la pousse à se laisser mourir de faim.
Une psychologue présente le dessin d’une femme qui se voit enfermée dans une prison serrée, une cage de culpabilité : « Ce qu’on enlève a beau être tout petit, ça n’empêche rien à la portée du geste ». Après un avortement, les femmes sont souvent habitées par la honte, la culpabilité, qui doit prendre un sens positif. Chaque femme a son propre chemin à trouver. L’une d’elle vient consulter en thérapie : « J’aimerais tant lui demander pardon ».
Le professeur Nikolaus Knoepffler du Centre éthique de l’université d’Iéna, présente les stades de développement de l’embryon : le cœur qui se met à battre dès la 4e semaine de grossesse, la forme humaine bien apparente dès la 7e semaine. Il s’inquiète : « Comment la société peut-elle faire preuve d’autant de légèreté dans ce domaine ? » Et il ajoute : « J’estime qu’il est dangereux de banaliser [l’avortement], surtout quand on réalise qu’on a pris une décision sur des bases erronées. »
La fin du documentaire montre que le traumatisme post Ivg implique un vrai travail de deuil qui nécessite la mise en place de rites. Il s’achève sur ce message : « L’avortement est un droit, mais la liberté d’en parler aussi, sans jamais occulter la responsabilité dont nous devons faire preuve envers nous-mêmes et envers nos proches ». Les commentaires qui s’affichent en dessous du replay de l’émission montre que les tabous en la matière, sont encore loin d’être levés.
_________________________________________
Ndlr DR : c'est une première ! Un tel documentaire sur une grande chaîne française, on peut même parler de miracle. Les commentaires sur la page du film sont instructifs à ce sujet. Si la vidéo reste accessible, ce sera un bon outil d'information.